Les habitudes alimentaires occidentales peuvent avoir des effets délétères sur le microbiote (dysbiose), favorisant l’inflammation et les troubles de l’immunité. Au cours du 36e Congrès de la Société Française de rhumatologie (décembre 2023, Paris) la rhumatologue Alexandra Albert (Neuville, Quebec) a présenté les fondements scientifiques et la mise en pratique d’une approche nutritionnelle qui pourraient aider les patients au cours de leur maladie.
Microbiote et maladies rhumatologiques
Le microbiote intestinal fait référence, principalement, aux bactéries, virus, champignons et bactériophages qui habitent le tractus gastro-intestinal des humains. Un microbiote sain produit plus de 800 métabolites bactériens qui interagissent avec l’organisme, le système digestif, immunitaire, et qui participent à l’équilibre local. En cas de dysbiose, les lipopolysaccharides, les acides nucléiques exogènes ou les toxines peuvent franchir la barrière intestinale, avec des risques immunologiques et de formation d’autoanticorps. En pratique, la dysbiose intestinale est retrouvée dans de nombreuses maladies rhumatologiques : spondylarthrite ankylosante, arthrose, lupus, Sjögren, arthrite psoriasique, fibromyalgie, polyarthrite rhumatoïde, et ces anomalies apparaissent avant la maladie elle-même. La dysbiose (augmentation de la proportion de certaines souches bactériennes) induit une inflammation et la production d’autoanticorps, favorisant l’apparition de la maladie. Par exemple, dans la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante HLA B27+, plus la dysbiose est sévère, plus la maladie est grave, voire associée à une mort cellulaire intestinale, favorisant la perméabilité et le passage des lipopolysaccharides.
Illustration 3D du microbiote et des bactéries intestinales
L’impact de l’alimentation
Le métabolisme intervient dans cette équation, puisque le taux de leptine, modifié par exemple dans l’obésité, module à la fois l’immunité innée et adaptative, et peut ainsi influencer l’inflammation et les maladies auto-immunes. Des études ont décrit l’influence du taux de leptine sur la physiopathologie de l’arthrose ou de la polyarthrite rhumatoïde.
Sur le plan alimentaire, la perméabilité intestinale est augmentée par la gliadine du gluten. La zonuline, issue des jonctions cellulaires, est un marqueur de la perméabilité intestinale : son taux augmente dans les maladies inflammatoires rhumatologiques, parfois même avant les symptômes selon certaines études.
Une alimentation déséquilibrée conduit en premier lieu à une absence ou une carence de cofacteurs importants pour l’immunité (zinc, magnésium…). Certains de ces aliments sont par ailleurs pro-inflammatoires :
- ils ouvrent les jonctions serrées : agglutinines (tomates, aubergines, arachides, soja…), prolamines (blé, seigle, maïs…dont la gliadine), alcool ;
- ils endommagent les entérocytes : agglutinines, prolamines ;
- ou favorisent la dysbiose intestinale : alcool, sucres, agglutinines, oméga-6…
De l’évidence scientifique à la difficile preuve clinique
Comme toujours, les études menées concernant les interventions nutritionnelles ou adaptations alimentaires sont rares, et souvent biaisées méthodologiquement. Il est difficile de corréler les données issues des études fondamentales avec des données cliniques. Pour les patients qui ont des effets secondaires et ne veulent pas prendre certains traitements, des approches hygiéno-diététiques pourraient être envisagées, toujours encadrées par un médecin nutritionniste.
La première concerne le jeûne : une méta-analyse a établi que 7 à 10 jours de jeûne dans la polyarthrite rhumatoïde conduit à une réduction des symptômes, des marqueurs et cytokines inflammatoires et des marqueurs de perméabilité intestinale. Ce jeûne étant compliqué à mettre en place et n’étant bien sûr pas maintenable dans le temps, d’autres approches peuvent être envisagées comme la réduction de la consommation de sucre, de la charge glycémique, de la prise d’alcool…
D’autres travaux se sont penchés sur l’efficacité de la diète méditerranéenne maintenue 12 semaines dans la PR, qui montrent un bénéfice modeste sur l’activité de la maladie et sur la douleur. Des régimes plus drastiques sont envisagés en complémentarité des traitements, comme la suppression de tous les produits transformés, l’alcool… ou les FODMAP (fermentable oligo-, di-, monosaccharides and polyols) lorsqu’il existe des troubles intestinaux associés.
L’approche nommée « auto-immune paléo » présentée par Alexandra Albert est très drastique, excluant toutes les céréales, les légumes de la famille des tomates, aubergine et pommes de terre, viandes rouges, produits laitiers, sucres raffinés, légumineuses de la diète méditerranéenne, pendant trois mois afin de réduire les symptômes. Ensuite, la réintroduction des catégories d’aliments est faite une par une. Le choix de ces aliments est orienté selon le caractère auto-immun ou non de la maladie. L’intérêt serait de réduire certains traitements comme la cortisone et d’améliorer certains autres symptômes associés.
Plantes aromatiques
Aucune approche diététique ne doit etre entamée et conduite sans un accompagnement médical.
Dans l’attente d’une validation scientifique rigoureuse, il faut encourager les patients à privilégier une alimentation de type méditerranéen, plus riche en fruits et légumes, poissons et oléagineux.
D’après la lettre UNIVADIS, Caroline Guignot Actualités Congrès 16 janv. 2024